HPV : les bienfaits de la vaccination
Qu’est-ce que le HPV (human papilloma virus ou virus du papillome humain) ?
Les Papillomavirus humains (HPV pour Human Papilloma Virus) sont une famille de virus qui infectent la peau et les muqueuses. Il en existe plus de 200 types classés sur base de leur génotype (le caractère génétique) : certains provoquent des condylomes (verrues génitales, anales et dans la gorge) et sont à bas risque de cancer, tandis que d’autres, à haut risque ou oncogènes, peuvent être à l’origine de cancers (col de l’utérus, vagin, vulve, anus, pénis, bouche et gorge), tels que les génotypes 16 et 18.
C’est l’infection sexuellement transmissible la plus fréquente au monde (80% des personnes ayant des rapports sexuels vont entrer en contact avec le virus). La transmission se fait par contact génital, soit par pénétration, soit via les doigts ou par auto-inoculation (si on a un HPV dans la zone génitale par exemple, en s’essuyant, on peut transférer du virus d’une zone à l’autre, notamment vers l’anus). Le préservatif diminue le risque de transmission, mais ne le supprime pas. C’est pourquoi il est important de se faire vacciner.
Le HPV a une structure infectieuse qui a besoin du matériel génétique de l’humain pour se reproduire. Il entre par une microbrèche dans la muqueuse, et reste à la surface sans rentrer en profondeur dans le corps.
En cas d’infection du HPV, il n’y a pas de mort cellulaire, pas d’inflammation, pas d’ulcération (comme dans l’herpès), pas de réaction immunitaire et donc pas de symptôme. On pense que c’est un virus qui nous infecte depuis des millions d’années et qu’il s’est adapté, il laisse donc son hôte suffisamment longtemps en vie pour infecter d’autres personnes.
Les cellules cibles d’HPV, ce sont en effet les cellules de la peau et des muqueuses. Une fois qu’il infecte les cellules, le virus se sert de la machinerie cellulaire humaine pour se multiplier. Une fois le virus installé, les « bébés » virus sortent des cellules à la surface de la muqueuse et peuvent contaminer d’autres personnes. C’est la phase infectieuse. Ces cellules infectées deviennent anormales au microscope. Dans 90% des cas, on peut se débarrasser de ces virus en quelques mois, sans traitement et sans vaccin (le corps se débarrasse tout seul du virus) : il s’agit d’une infection transitoire. Mais dans 10% des cas, le virus persiste et induit des anomalies génétiques (des erreurs de recopiage de l’ADN au moment de la multiplication des cellules) ; ces anomalies provoquent des lésions précancereuses (ensemble de cellules anormales) qui peuvent devenir invasives (à l’intérieur du corps) jusqu’à dégénérer en cancers : cancer du col de l’utérus, de l’anus, orl (oropharynx), et plus rare, de la vulve, du vagin et du pénis. Ce phénomène va être amplifié en présence du VIH, car il aide à ce qu’il y ait des erreurs dans la multiplication des cellules. Une fois qu’on a rencontré un HPV et qu’on en a guérit, on est immunisé contre.
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Quelques données épidémiologiques
Chez les femmes, le pic d’infection se situe entre 15 et 25 ans. Par la suite, seules 5-10% gardent une infection persistante. Cependant, chez les femmes vivant avec le VIH, l’infection persistante est plus fréquente, jusqu’à 20 à 30% des cas. La dynamique de l’infection est différente chez les hommes avec 40 à 50% des hommes qui présentent une infection transitoire à tout âge, voire 80% chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et vivant avec le VIH.
Les lésions précancéreuses peuvent être traitées, mais en cas de non traitement, les cancers peuvent se déclarer à l’âge de 40-45 ans pour les femmes, 35-65 ans chez les hommes. Dans le cas des cancers de la gorge provoqués par le HPV, le pronostic est meilleur que les cancers oropharyngés provoqués par le tabac et l’alcool. Par contre, le fait de fumer aggrave les cancers de la gorge provoqués par HPV.
Le risque de développer un cancer est plus élevé si on a le VIH ! Toutes les étapes sont en effet augmentées : plus d’infection à haut risque, les personnes vivant avec le VIH se débarrassent moins de HPV, la charge virale de HPV est plus importante, les lésions précancéreuses et cancéreuses sont plus élevées. C’est d’autant plus grave si la personne n’est pas sous traitement.
L’incidence des cancers chez les femmes est très importante en Afrique, moins en Europe, grâce au dépistage et au traitement précoce. Les vaccins contre HPV étant récent, les effets de la vaccination sur l’épidémiologie n’est pas encore visible.
L’idéal est de se faire vacciner avant de rencontrer HPV. Mais si on est déjà actif sexuellement, il reste intéressant de se faire vacciner avant 27 à 40 ans car il est probable que l’on ait pas rencontré tous les HPV contre lequel le vaccin peut protéger.
Le dépistage et les traitements contre HPV
Le dépistage peut être fait par un frottis : si les cellules sont anormales, on propose au·à la patient·e de réaliser un examen plus approfondi grâce à une loupe agrandissante, soit par colposcopie (pour le col de l’utérus), soit par anuscopie de haute résolution (pour l’anus), et de faire une biopsie des lésions vues.
S’il y a des lésions précancéreuses non sévères, on fait de la surveillance en répétant ces examens régulièrement. Si elles sont sévères, on peut les enlever (par laser ou conisation). En cas de cancer, il faut passer par la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie.
Le fait de traiter les lésions précancéreuses réduit fortement la survenue de cancer dans les années qui viennent. Cela signifie que ce traitement n’est pas efficace à 100%, car une petite partie des personnes traitées pour lésions précancereuses développent malgré tout des cancers. En étudiant le profil des personnes qui développent un cancer malgré le traitement, on peut savoir quels sont les autres facteurs de risque qui permettent le développement de cancer anal : ces études sont en cours.
Les outils de dépistage du cancer anal sont d’abord être attentif à l’apparition de symptômes, car le cancer est guérissable au tout début (attention, il n’y a pas de symptômes en cas de lésions précancéreuses, les symptômes gênants arrivent au début du cancer) ; ensuite de réaliser un toucher ano-rectal (chez son·sa proctologue), faire un frottis anal pour analyser les cellules (facile, mais pas très discriminant car les cellules peuvent être anormales sans lésion précancéreuse) ; chercher l’HPV toujours sur le frottis, mais la présence d’HPV (fréquente au niveau anal) ne signifie pas qu’il y a des lésions. Quand le frottis est positif, on envoie à l’anuscopie de haute résolution, mais c’est un examen long, ce n’est pas remboursé et ça peut être douloureux avec un risque de saignement et un risque d’infection si on n’a pas été bien préparé·e. Les spécialistes capables de faire cet examen après avoir suivi une formation particulière manquent, donc le nombre de place pour cet examen sont insuffisantes et les patient·es doivent donc être prioritisés. Une piste : éduquer le·la patient·e à s’auto-examiner, ce qui montre de bons résultats. Les traitements sont les mêmes que pour le col de l’utérus (une chirurgie locale). On peut aussi donner de l’Aldara (crème) 3 fois/semaine pendant 16 semaines pour les lésions précancéreuses ou les condylomes.
Les vaccins contre le HPV chez les personnes vivant avec le VIH
C’est sur base de la protéine L1 présente sur le virus que l’on va construire le vaccin. On prend des levures ou des virus inoffensifs, on leur introduit la protéine L1 selon le génotype que l’on vise, puis ces protéines vont s’autoassembler et faire un faux virus (VLP ou pseudovirion). Ces particules ne sont pas infectieuses. Si la personne a été vaccinée avant l’infection, cette personne va produire des anticorps neutralisant le HPV et donc empêcher ce virus de venir faire son infection quand il pénètre le corps.
Ces vaccins sont : le Cervarix (génotypes 16 et 18), le Gardasil 9 (génotypes 6,11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58 à 90% des cancers du col sont évitables grâce à ce vaccin). Pour les personnes jamais infectées par HPV, 95% des lésions du col et des condylome sont évités grâce aux vaccins, 78% des lésions anales sont évitées chez l’homme. Si on a déjà rencontré HPV, 70 à 84% des lésions sont évitées. Donc au plus tôt on est vacciné, au mieux c’est. Concernant les cancers ORL (gorge), on voit une diminution de l’infection grâce au vaccin.
Avant l’âge de 20 ans, on peut se contenter d’une seule dose au lieu de deux doses à intervalle de 6 mois. Après 21 ans, c’est minimum deux doses. Pour les personnes vivant avec le VIH, il faut normalement 3 doses, mais des études en cours montrent qu’on pourrait se contenter de 2 doses à intervalle de 6 mois chez des gens traités pour le VIH, qui ont un virus contrôlé. Lorsqu’on vaccine contre HPV les personnes vivant avec le VIH, cela est bien toléré et n’induit pas d’effet secondaire sévère ; en particulier, cela ne change rien au bon contrôle de la charge virale du VIH, le virus reste indétectable.
Mais est-ce que ça réduit le nombre de lésions précancéreuses ?
Si la personne est âgée, ça ne marche malheureusement pas. Par contre, pour les femmes avec un âge médian de 33 ans, ça marche bien.
La vaccination chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes jusqu’à 40 ans est aussi utile selon une étude de coût-efficacité anglaise : cela coûte moins cher de vacciner les gens jusqu’à 40 ans, que de traiter les pré-cancer et les cancers. Une étude chez les personnes qui prennent la PrEP montre en effet que même si les gens ont déjà rencontré un génotype d’HPV, les vacciner les empêche de développer des lésions quand ils rencontrent d’autres génotypes HPV.
Et quand la personne a déjà des lésions ?
Si on la vaccine pour la protéger des génotypes qu’elle n’a pas encore développé, elle se préserve de nouvelles lésions. Le vaccin, en plus de stimuler la production d’anticorps, va aussi stimuler l’immunité cellulaire qui vient bloquer la survenue de nouvelles lésions à partir d’un petit résidu de lésions précancéreuses ou de condylomes après traitement de ceux-ci. Des études prouvent que les personnes non vaccinées ont plus de récidive de leur lésion que les personnes vaccinées. C’est donc une aide au traitement, mais cela ne remplace pas le traitement.
Pour les personnes vivant avec le VIH, on favorise le vaccin 9-valents (Gardasil), mais c’est très cher passé 18 ans. Une possibilité de remboursement est en cours de négociation, parlez-en à votre médecin.
L’OMS a lancé un appel pour éduquer les jeunes à la santé et à la sexualité, les vacciner, les dépister et les traiter contre HPV. L’ONUSIDA s’est joint à l’appel, le 4 mars est ainsi devenu la journée mondiale de lutte contre le HPV !!
Objectifs : 90% des femmes vaccinées à 15 ans, 70% des femmes vaccinées dépistées, 90% des femmes dépistées traitées.
FAQ
Le vaccin provoque une réaction immunitaire car il est injecté au plus profond du muscle, dans les cellules dendritiques. Même si l’infection naturelle à HPV ne provoque, elle, pas de réaction immunitaire, car le virus n’atteint pas ces cellules dendritiques.
Ceci va changer. Aujourd’hui, on regarde si les cellules sont précancéreuses et éventuellement s’il y a du HPV. Si on trouve de l’HPV chez des femmes de 30 ans, ça veut dire qu’elles ont une infection depuis plusieurs années. On ne cherchera plus les lésions précancéreuses après 30 ans, on ne recherchera que les HPV oncogènes. Même quand on utilise le vaccin 9-valent, il y a en fait 13 HPV à haut risque, donc on est vacciné que contre 90% des HPV responsables des cancers. On peut donc toujours attraper un HPV cancéreux, d’où l’importance du dépistage.
Au total, au niveau de la peau, il y a une centaine d’HPV capables de vous infecter. Au niveau des muqueuses génitales, c’est une quarantaine d’HPV.
Oui, HPV et le VIH sont à ARN. Ils ont besoin des cellules pour se multiplier, et ont donc besoin de la reverse transcriptase pour passer de l’ARN à l’ADN et ainsi infecter nos cellules. C’est pourquoi les premiers traitements antirétroviraux à être apparus pour le VIH sont des inhibiteurs de la reverse transcriptase.
Il n’y a pas d’âge pour la prévention secondaire (donc en cas de lésion) !
Par contre, pour la prévention primaire (prévention de l’infection par HPV) l’efficacité est scientifiquement prouvée jusque 26 ans. Avec l’étude de coût-efficacité anglaise, on passe même à 40 ans chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Plus on avance en âge, moins le bénéfice est grand, mais ça vaut quand même la peine.
On peut voir si vous avez beaucoup d’anticorps, mais ça veut juste dire que vous avez déjà rencontré le virus en vrai ou un pseudovirion grâce au vaccin. Ces tests ne se font que dans le cadre d’étude, ils ne sont pas disponibles en routine.